MVTE : notre contribution à la prise en charge de la maladie

La MVTE aujourd’hui : comment on traite ?
Anticoagulants oraux directs (AOD) (apixaban, rivaroxaban) sont devenus la référence pour la majorité des patients : ils fluidifient le sang pour éviter l’extension du caillot et prévenir une récidive. Le traitement dure en général 3 à 6 mois, puis on réévalue (facteurs de risque, tolérance, préférences du patient) pour décider d’un traitement prolongé à pleine ou demi-dose.
Héparines de bas poids moléculaire (HBPM) gardent une place (par ex. en cas de cancer actif selon le profil patient/traitement) ; antivitamine K (warfarine) quand les AOD ne sont pas adaptés.
Thrombolyse (médicament qui dissout le caillot) , thromboaspiration et embolectomie sont réservées aux formes graves (EP à haut risque).
Les filtres cave sont rares et temporaires.
La balance prévention des récidives vs risque de saignement guide toutes les décisions : on personnalise.
Recommandations & travail en réseau : pourquoi c’est important
Les membres du GETBO participent à la rédaction des recommandations françaises sur la MVTE (Rev Mal Respir 2019 : co-auteurs à Brest : F. Couturaud, A. Delluc, C. Gut-Gobert, P-Y. Salaün, etc.), ce qui garantit que les meilleures preuves arrivent vite au lit du patient. Ils jouent aussi un rôle moteur dans les réseaux de recherche : le GETBO dirige et anime le réseau national F-CRIN INNOVTE (et collabore avec le réseau européen INVENT-VTE) pour monter, coordonner et diffuser des essais multicentriques en France et en Europe.
Ce que les essais auquel nous avons participé ont changé
Durée et/ou dose des anticoagulants
Couturaud – PADIS-PE (JAMA 2015) : après une première embolie pulmonaire non provoquée, prolonger l’anticoagulation au-delà de 6 mois réduit les récidives pendant la période traitée ; on réévalue ensuite individuellement. JAMA Network
Couturaud – PADIS-DVT (Haematologica 2019) : message proche pour une première TVP proximale non provoquée (comparaison 6 mois vs 2 ans), confirmant l’intérêt d’une période prolongée chez les patients à risque. Haematologica
Couturaud – RENOVE (Lancet 2025) : en phase prolongée chez des patients à haut risque, une demi-dose d’AOD n’a pas démontré la non-infériorité sur la récidive vs pleine dose, mais diminue les saignements ; cela ouvre la voie à une personnalisation (dose réduite si risque hémorragique élevé). The Lancet
Mahé – API-CAT (NEJM 2025) : chez les patients avec cancer, apixaban à dose réduite (2,5 mg x2) en traitement prolongé est non inférieur à la dose pleine (5 mg x2) pour prévenir les récidives, avec moins d’hémorragies. New England Journal of Medicine
Prise en charge ambulatoire vs hospitalière (EP à bas risque)
Roy – HOME-PE (Eur Heart J 2021) : pour des EP à bas risque, les règles Hestia et sPESI sélectionnent de façon aussi sûre des patients pouvant être traités à domicile ; environ un tiers des patients sont éligibles. Oxford Academic
Quelle molécule choisir (traitement initial)
EINSTEIN DVT/PE (NEJM 2010–2012) : rivaroxaban a prouvé une efficacité comparable à la warfarine, avec moins d’hémorragies majeures et un schéma simple (monothérapie), soutenant l’usage des AOD en phase initiale. New England Journal of Medicine
HOKUSAI-VTE (NEJM 2013) : édoxaban vs warfarine : non-inférieur pour la récidive, avec moins d’hémorragies — autre pilier des AOD en traitement TVP/EP. New England Journal of Medicine
Traiter tout le monde… ou cibler ?
Righini – CACTUS (Lancet Haematology 2016) : pour une TVP surale isolée à faible risque, une anticoagulation curative n’a pas fait mieux que le placebo et augmente les saignements → prise en charge ciblée plutôt que systématique. PubMedThe Lancet
Cohen – APEX (NEJM 2016) : chez les patients médicaux hospitalisés, une prophylaxie prolongée (betrixaban) n’a pas atteint son critère principal global vs énoxaparine, avec des signaux dans des sous-groupes → mieux sélectionner les candidats. New England Journal of MedicinePubMed
Mottier – SYMPTOMS (NEJM Evidence 2023) : chez les ≥70 ans hospitalisés, une énoxaparine systématique n’a pas réduit la MVTE symptomatique à 1 mois vs placebo → prophylaxie plus sélective. evidence.nejm.org
Nos essais en cours
ASTER (ANT-007) — Compare abelacimab (1 injection mensuelle) à apixaban pour traiter la MVTE associée au cancer, avec l’objectif d’être aussi efficace tout en réduisant les saignements — ClinicalTrials.gov NCT05171049. ClinicalTrials
MAGNOLIA (ANT-008) — Abelacimab vs dalteparine chez les patients avec cancers digestifs/urologiques et MVTE ; non-infériorité puis supériorité si atteinte — NCT05171075. ClinicalTrials
BAT-VTE — Chez des patients ayant une VTE aiguë sous antiagrégant, teste arrêter l’antiagrégant vs poursuivre l’association avec l’anticoagulant, pour optimiser efficacité/sécurité — NCT05627375. ClinicalTrials
SAFE-SSPE — Évalue, chez des patients à faible risque avec EP sous-segmentaire isolée, une surveillance sans anticoagulant vs anticoagulation — NCT04263038. ClinicalTrials
DUST — Registre international sur l’usage des AOD dans les thromboses de sites inhabituels (splanchniques, cérébrales, etc.) — NCT03778502. ClinicalTrials
ETHER — Programme de décision partagée pour les VTE non provoquées : aide médecin-patient pour décider de poursuivre/adapter/arrêter l’anticoagulation vs soins habituels — NCT06731244. ClinicalTrials